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Journal d une bonne

Préface de Journal d'une Bonne (première édition)

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Par Guy Kokou MISSODEY
Par Guy Kokou MISSODEY

Pitié et révolte : tels sont les deux sentiments entre lesquels oscilleront certainement les lecteurs de Journal d’une bonne. Et ceci, dans un mouvement ascendant. En effet, du “ Ghetto gabonais ” (première partie du récit) aux “ Surprises du destin ”, en passant par “ l’enfer familial ”, Agathe ou Adjo (c’est selon), à l’instar d’une héroïne tragique classique dont le destin est d’avance scellé par un verdict divin, accumulera des tortures tant physiques que morales, qui vont culminer à la fin du roman où elle retrouvera, peut-être, le Repos…
Bien entendu, le sujet dominant de Journal d’une bonne est la nouvelle forme d’esclavage dont sont victimes des enfants, orphelins et déshérités d’Afrique : ceux-là qui vivent une tragédie quotidienne que cache mal l’euphémisme consensuel par lequel on les désigne : “ les domestiques d’Afrique ”.
Mais ce sujet d’actualité, sous la plume de Dissirama BOUTORA-TAKPA, aura plus d’amplitude, grâce aux techniques du récit adoptées par l’écrivain : entre une (fausse) autobiographie et un journal intime qui permet à l’auteur de s’effacer (ou de se dédoubler) pour qu’Agathe (ou Adjo) puisse mieux se dévoiler. Le procédé étant efficace pour une forte densification du pathétique.
De plus, le romancier peut, par là, éviter les pièges d’un “ réalisme-cliché ” et réussir à dire non pas ce qui est arrivé, “ mais ce qui aurait pu arriver, ce qui était possible selon la nécessité ou la vraisemblance ”.
Ainsi, Journal d’une bonne est une autre réconciliation du littéraire et du social, qui témoigne une fois encore de la fonction sociale de l’écrivain et qui le renoue aux racines du genre1 . Ce faisant, Dissirama BOUTORA-TAKPA, de même qu’il nous émeut et nous sensibilise, nous fait aussi prendre conscience d’un fléau qui mine nos sociétés africaines modernes, tout en nous exhortant à lutter contre cette peste moderne, ce mal qui nous concerne tous2 ; cette cruelle injustice dont nous sommes pour la plupart, coupables ou complices, ne serait-ce que par notre silence…
On comprend que le jury du Prix Littéraire France - Togo ait voulu couronner le talent du jeune romancier en lui décernant le Prix de l’Edition 2001.
C’est donc le lieu de saluer cette initiative de l’Association France-Togo qui oeuvre ici pour la défense et l’illustration des belles lettres togolaises.
C’est également l’occasion d’exprimer la reconnaissance de l’auteur et de l’éditeur aux institutions partenaires dont l’appui a permis l’édition de ce roman et le démarrage d’une expérience originale de soutien à l’édition : le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France au Togo et le Projet Lecture Publique.
Enfin, comme il ne suffit pas de parler d’un roman pour en rendre compte, je vous convie à la lecture de Journal d’une bonne.

Guy Kokou MISSODEY
Enseignant-Chercheur (Université de Lomé)
Critique littéraire

1 Le roman était d'abord la langue du peuple avant de désigner le genre populaire, par opposition à la Tragédie et à la Poésie, genres élitiste

2 Nous nous inspirons de La Peste d'Albert CAMUS.

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