Rencontres littéraires

Au Collège d'Enseignement Général de l'Union à Kpémé

Texte intégral du message

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Monsieur le directeur du CEG de l'Union, Mesdames et messieurs les responsables d'établissements, Chers membres du corps enseignant, Chers camarades élèves, C'est avec un sentiment d'honneur et de fraternité que je prends la parole pour échanger avec vous du grave fléau qui mine l'épanouissement de la jeunesse, et surtout de notre société, je veux parler de l'esclavage moderne des enfants qui a fait l'objet du premier roman de ma biographie. Mais avant de revenir aux vraies raisons qui ont motivé mon déplacement de Kpémé, je voudrais ici, avec votre permission évoquer un souvenir. Il concerne mon passage dans ce même établissement il y a quelques années. En effet, c'est ici que j'ai préparé et obtenu mon BEPC avec succès. Cette étape qui m'a permis de poursuive ma scolarité n'a pas été sans influence sur ma carrière d'écrivain que j'ai finalement et peut-être provisoirement embrassée. C'est le lieu pour moi d'exprimer ma gratitude à tous les enseignants ici présents pour la qualité de la formation qu'ils continuent d'assurer à la jeunesse malgré les difficiles conditions de travail. C'est également l'occasion de rendre un vibrant hommage mérité au Directeur du CEG de l'Union Monsieur TOGBÉ qui nous accueil. En ma qualité d'ancien élève de ce collège, je peux témoigner de la rigueur, et du sérieux qui ont toujours guidé son action et son souci de faire de ses apprenants des futurs cadres du pays.
CEG de l'Union (Kpémé) 08 décembre 2004
CEG de l'Union (Kpémé) 08 décembre 2004

C'est le lieu aussi de dire à l'endroit des camarades élèves que pour devenir un futur responsable, on a besoin d'être bon élève au cours de sa formation. Personnellement, j'ai cru qu'il me suffisait d'être un élève moitié bon moitié mauvais pour faire l'affaire, mais je me rends compte aujourd'hui que je serais devenu plus qu'un écrivain si j'avais tout fait pour être bon élève. Mais il faut dire que je ne serais rien, ce qui aurait été plus grave, si je n'avais pas eu la chance d'être scolarisé plus tôt.

C'est malheureusement le cas de certains compatriotes ou de bien d'autres enfants de nos pays en développement qui, parce que pauvres, parce qu'orphelins, parce que démunis, n'ont pas la chance de suivre une formation. Et sans formation scolaire, je ne serais pas ici. Je ressemblerais à cet enfant qui, parce qu'orpheline et sans moyen de s'instruire, a cru pouvoir refaire sa vie en suivant un commerçant d'illusion au Gabon. Là, sacrifiée sur l'autel de l'esclavage moderne, elle sortit traumatisée et sans parole de son aventure en revenant au pays.

Mais c'est un sentiment de révolte qui me pousse à entreprendre mon aventure. Car la réflexion quotidienne et constante sur le malheureux destin de cette victime innocente, aggravée par la répétition sur les différents médias du phénomène de l'exploitation des enfants, a fini par réveiller en certains quelques aptitudes d'écrivain. C'est donc au titre de cette fonction que je me présente humblement devant vous pour échanger sur le thème qui a fait l'objet de mon roman Journal d'une bonne. Certains parmi les camarades élèves ici présents, et sans doute du corps enseignant ont eu a le découvrir. Cet ouvrage constitue mon coup de cœur contre cette triste réalité.

Pourquoi avoir choisi d'écrire sur un thème aussi engageant ? Parce que l'exploitation des enfants est une pratique odieuse et inhumaine; Parce que lorsque des enfants sont précocement employés dans des domaines d'activité ou leur vie est en danger, c'est l'avenir du pays, c'est-à-dire la relève de demain qu'on paralyse et qu'on ampute cruellement au pays. Aujourd'hui, la liste est longue lorsqu'il s'agit de dénombrer les pires formes du travail des enfants:
- L'esclavage et le travail forcé
- Le placement pour servitude et dette
- Les travaux dangereux
- L'utilisation des enfants dans les activités illégales ou illicites : prostitution, pornographie, le trafic de drogue.
- Le travail domestique surtout des jeunes filles sur fond de maltraitance au Togo, et le cas des enfants portefaix devaient interpeller la conscience de chacun de nous.

Antérieurement, on parlait beaucoup dans la littérature coloniale de l'exploitation des noirs par le blanc. Mais aujourd'hui, avec le phénomène du travail des enfants sujets de droit, il vaut mieux parler de l'exploitation de l'homme par l'homme. Car il est devenu un phénomène mondial auquel aucun pays ni aucune région n'échappe. Les crises de toutes sortes - catastrophes naturelles, chocs économiques, pandémie du VIH/SIDA, conflits armés - ont notamment pour effet de pousser un nombre croissant de jeunes vers des formes de travail débilitantes, parfois illégales et clandestines. À l'échelle mondiale, on estime à plus 352 millions d'enfants travailleurs âgés de 5 a 17 ans dont 48 millions en Afrique subsahariennes.

Nous connaissons les causes de ce fléau:
C'est la pauvreté, la tradition, c'est aussi le fait que les enfants constituent une main d'œuvre docile et pas coûteuse, les difficultés d'accès à l'école, la discrimination à l'égare des jeunes filles, la vulnérabilité liée à la désintégration de la famille, aux conflits, aux catastrophes. Sur l'initiative de l'OIT, et dans le but d'apporter une solution à ce phénomène, deux conventions fondamentales ont été signées par un certain nombre de pays dont le Togo. Il s'agit de la
- Convention N° 138 relative à l'âge minimum pour l'admission au travail et l'emploi(1973), et de la
- Convention N°182 qui vise l'élimination des pires formes du travail des enfants(1999).

Mais ces mesures risquent de demeurer lettres mortes si les populations ne traduisent pas les engagements pris par l'État dans la réalité à travers des comportements responsables.

Personnellement, j'estime que le phénomène est encore moins grave que ses conséquences, car les pires formes de travail des enfants privent le plus souvent ce dernier de l'éducation en lui fermant surtout les portes de l'école. Et le fait d'insister sur la nécessité d'une bonne scolarisation n'est pas un hasard, car l'école est non seulement un facteur de développement, mais aussi d'émancipation et d'épanouissement de l'être humain. J'en ai fais personnellement l'expérience, car aujourd'hui, j'ai pu m'affranchir du peu de formation reçue pour m'engager dans la réalisation d'une œuvre romanesque. Occasion pour moi de donner ma vision des choses sur le phénomène de l'esclavage moderne en cours dans notre société. Il va sans dire que l'instruction constitue aussi un moyen de lutte contre ce phénomène.

Quelle est en réalité l'autre message personnel que je tente de véhiculer à travers mon roman?
- Premièrement, c'est que l'exploitation des enfants est un cas grave de violation des droits humains...
- Deuxièmement, c'est que cette violation de droit prend sa source dans la cellule familiale.

Pendant longtemps, on a cru que l'éradication du phénomène dépendait exclusivement de la responsabilité des parents. Le peu de résultat obtenu de cette vision amène aujourd'hui les acteurs de lutte à mêler d'une manière ou d'une autre les enfants qui sont souvent les victimes ou susceptibles de le devenir par la force des événements.

Le BIT à travers le Programme Internationale de lutte contre le travail des enfants a ainsi démarré un vaste chantier pour l'élimination du travail des enfants par l'éducation. Au nombre des solutions et des actions à mener selon les résultats d'un atelier organisé à cet effet, figure la sensibilisation. Notre rencontre se situe donc dans ce cadre. Convaicu que la littérature est non seulement écrite mais aussi orale(d'ailleurs l'Afrique a un long passé de tradition orale), il n'est pas étonnant que lecteurs et auteur puissent se retrouver sur un terrain oral, surtout en l'absence d'exemplaires de cette œuvre que nous aurions aimé mettre à la disposition de nos camarades élèves.

Je voudrais donc pour l'occasion vous convier à méditer sur un thème libre sur lequel je vais clôturer ma communication, et qui s'intitule : " Agir individuellement contre l'exploitation des enfants ".

Il faut alors dire que l'initiative du corps enseignant et des responsables d'établissements scolaires qui ont bien voulu que cette rencontre ait lieu s'inscrit dans le sillage de ce thème. Je voudrais en cela dire infiniment merci à monsieur TONSI à qui appartient en réalité l'initiative de cette manifestation.


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